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L'enfant des neiges, Tome 1

Village de ValJalbert, 7 janvier 1916

L'homme observait l'imposante bâtisse qui abritait le couvent-école placé sous le patronage de saint Georges. Il fixait d'un air hagard la croix en fer surplombant un clocheton gracile. Sous sa toque de laine brune, l'inconnu semblait indifférent au vent froid, ainsi qu'à la neige lourde et humide qui trempait ses bottes. Plusieurs fois, une silhouette de religieuse, en robe noire et cornette blanche, s'était approchée d'une des fenêtres brillamment éclairées, mais elle ne pouvait pas le voir. Il faisait bien trop sombre sous le couvert des sapins où l'étranger s'était mis à l'abri des regards.

Il n'était pas d'ici, mais il aurait bien aimé appartenir à ce village. Les gens de Val-Jalbert disposaient de maisons confortables. On racontait même qu'ils bénéficiaient d'un chauffage moderne et de l'électricité. La belle structure du couvent ne démentait pas ces rumeurs, ni les lampes qui jetaient des halos jaunes dans la rue Saint-Georges.

« Il y en a, des vitres, de la planche neuve, et le toit, c'est du bon ouvrage, pensa-t-il. Il s'en dépense, des sous, dans le coin. »

De chaudes odeurs de sucre ou de viande rôtie, renforcées par l'air glacé, venaient le torturer. Le ventre creux, il ferma les yeux un court instant. Il imagina de belles tartes brunes, nappées de sirop d'érable, des volailles luisantes de graisse.

« Ce n'est pas pour moi, tout ça. » se dit-il très bas. Il jeta un regard inquiet vers les maisons alignées plus loin, le long d'une rue interminable changée en une étroite piste glacée, tracée par les nombreux véhicules qui devaient circuler du matin au soir.

De là où il se tenait, l'homme était tout proche du perron du couvent, flanqué de quatre colonnes en beau bois et protégé par l'avancée d'un grand balcon. Maintenant, il se balançait d'un pied sur l'autre, serrant contre lui un ballot encombrant. Cela avait tout l'air d'un paquet de fourrures. Il n'était pas rare de voir passer à Val-Jalbert des trappeurs qui proposaient des peaux de bêtes aux gens.

Mais ces gars-là ne berçaient jamais leur marchandise.

L'enfant des neiges est le premier tome d'une longue saga. La série compte en tout six tomes. Cependant, je vous rassure, le premier roman a réellement une fin. Nous suivons l'histoire de Marie-Hermine, un bébé abandonné à l'âge de un an dont nous suivrons l'évolution jusqu'à sa vie de jeune femme. Le premier tome boucle une histoire menée de bout en bout, et je suis vraiment curieuse de connaître la suite de la vie de notre héroïne car je dois dire que cela me semble étrange d'avoir cette possibilité comme si j'avais l'opportunité d'aller regarder derrière le miroir. Car, en effet, habituellement les romans se terminent tous plus ou moins sur une partie de la vie des héros dont on ne connaît jamais le devenir. Alors, je suis très curieuse de pouvoir lire la suite à ma guise.

Marie-Hermine a été déposée le 7 janvier 1916 par son père devant le couvent-école de Val-Jalbert, un village québécois au charme fou en cette période de l'Avent. Un simple mot accompagne l'enfant. "Notre fille s'appelle Marie-Hermine. Elle a eu un an le mois dernier, avant Noël. Nous la remettons entre vos mains, à la grâce de Dieu. Les fourrures sont une avance sur sa pension." Mais, on n'entendra plus parler de ses parents durant plusieurs années.

C'est la lecture idéale en ce mois de décembre avant les fêtes de fin d'année car le climat et les paysages nous entraînent pour plusieurs mois de l'année au coeur de l'hiver, la neige, les traîneaux et les grands espaces de forêts. Et c'est aussi des moments agréables de chaleur près des feux de cheminées dans les maisons, avec du café brûlant, des crêpes et du sirop d'érable avec des villageois qui se connaissent et s'entraident dans cette petite communauté qui verra peu à peu sa population disparaître par manque de travail puisque la majorité des hommes travaillaient dans une usine à papier qui fermera définitivement ses portes. Nos héros, eux, feront parti du petit nombre qui restera et vivra au rythme des saisons marquées chaque année par les fêtes de Noêl. Elles prennent tout leur sens dans ce petit village où la simplicité et le réconfort auprès des autres restent l'essentiel.

Marie-Hermine, elle, va grandir avec les soeurs venues s'installer dans ce couvent-école pour instruire les enfants du village. Elles ont un rôle d'institutrice et vont très vite s'attacher profondément à elle et s'en occuperont au mieux. Marie-Hermine vivra entre leurs bons soins et ceux d'une famille qui l'élèvera comme leur fille. Cependant, notre jeune héroïne verra souvent en rêve la nuit le retour de ses parents dont l'identité et les motivations de leur geste restent un mystère pour cette communauté qui a su recueillir et accepter leur enfant. Il faut dire que Marie-Hermine a pour qualités la bonté, la générosité, et a reçu le don du chant non négligeable qui lui permet de charmer par sa voix de soprano son auditoire, particulièrement à la veillée de Noël. Les villageois l'ont surnommé ainsi. "Le rossignol de val-Jalbert".

Ce roman nous plonge dans la vie simple et rustre des habitants de Val-Jalbert, village abandonné de nos jours que Marie-Bernadette Dupuy a su si bien faire revivre dans un cadre naturel de toute beauté entre quotidien, drame, romance et aventure. Car "L'enfant des neiges" est aussi un très belle histoire d'amour avec un indien d'Amérique qui nous entraîne vers un esprit différent plus relié à la nature et à une réalité plus invisible.

Tous les ingrédients sont réunis pour s'évader dans cette agréable histoire aux airs de conte de noël avec son lot de rebondissements où les joies et les bonheurs succèdent aux difficultés et aux malheurs. Une superbe lecture à savourer en attendant le Père-Noël, confortablement installé devant un feu de cheminée, ou à défaut, lové dans son fauteuil sous un plaid. C'est un joli coup de coeur de saison et une belle découverte à laquelle je ne m'attendais pas de cette auteure dont j'aurais certainement du plaisir à lire d'autres romans.